Etalab a remis ce jour à Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat en charge de l’Enseignement supérieur et de la Recherche son rapport sur les conditions d’ouverture du système Admission Post-Bac.
Conformément à la mission qui lui a été confiée en février dernier, Etalab formule un ensemble de recommandations sur l’ouverture du code source et des données d’APB, ainsi que sur l’animation des relations entre les réutilisateurs et les administrations.
Admission Post-Bac concerne chaque année plus de 850 000 candidats qui souhaitent s’inscrire dans une filière d’enseignement supérieur en France. Le portail donne ainsi accès à la quasi-totalité de l’offre de formation post-bac, qu’il s’agisse de filières sélectives (classes préparatoires, BTS, DUT) ou non-sélectives (universités). Parmi les filières non-sélectives, certaines sont dites « sous tension », c’est à dire que le nombre de candidatures dépasse largement les capacités d’accueil de certaines filières (par exemple PACES ou STAPS). Pour ces dernières, APB met en oeuvre un ensemble de critères de priorisation et peut, en dernier ressort, procéder à un tirage au sort.
La coexistence de modalités d’admission très différentes au sein d’un même système a engendré chez certains utilisateurs (lycéens, parents) des incompréhensions, qui ont parfois conduit à présenter le portail APB comme un système opaque déterminant l’affectation des futurs étudiants. Ces derniers témoignent par ailleurs de difficultés à renseigner de façon éclairée leurs vœux hiérarchisés, et adoptent face au portail des « stratégies » de choix plus ou moins informées.
C’est dans ce contexte qu’Etalab a mené sa mission en lien étroit avec les équipes en charge du développement d’APB à l’INP Toulouse, et avec l’appui de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Nous avons en outre auditionné un certain nombre d’acteurs, au sein et à l’extérieur du Ministère.
Il ressort de nos travaux que rien ne fait aujourd’hui obstacle à la publication du code source et des données d’APB dans le périmètre défini à l’occasion de notre mission (algorithmes de classement et d’affectation).
Après avoir également rappelé le cadre juridique et son application au système APB, le rapport formule 10 recommandations relatives à cette ouverture.
Etalab se propose d’organiser, avant la rentrée 2017, et en lien avec l’équipe APB et le Ministère un évènement de type hackathon #OpenAPB afin d’accompagner cette ouverture.
Bénéfices attendus de l’ouverture
L’ouverture d’APB répond à plusieurs objectifs. Elle est un prérequis pour améliorer la compréhension et l’appréhension du système par ses utilisateurs, et contribuer ainsi à lutter contre le sentiment de défiance qui s’est instauré. Mais ce n’est qu’une première étape, qui devrait permettre de mobiliser une communauté (dont les prémices ont été démontrées lors de la première communication du code source), dont l’intelligence collective permettra progressivement de proposer des améliorations du système.
Cette communauté de développeurs, chercheurs, spécialistes des données jouera, en complément du nécessaire travail d’explication et de communication par le MENESR, un rôle de médiateur, explicitant pour le grand public les enjeux des algorithmes, des données et des paramètres utilisés.
A terme, de nouveaux services pourraient être développés pour les bacheliers ou les acteurs de l’éducation sur la base des données qui seront ouvertes (par exemple des personnalisations de conseils d’orientation en fonction du profil détaillé du candidat et des statistiques récentes).
L’ouverture du code source peut également être un vecteur d’amélioration du système lui-même, la communauté étant à même de pointer d’éventuels besoins d’améliorations ou corrections. Un objectif de long terme pourrait être d’ouvrir le code source à la contribution de développeurs externes à l’équipe projet actuelle, afin qu’ils puissent proposer directement des modifications dans le code.
Enfin, de la même façon que l’ouverture du code du calculateur des impôts et l’émergence d’OpenFisca permettent de simuler l’impact concret d’une évolution de la fiscalité, l’ouverture d’APB (code et données) permettrait aux spécialistes de l’éducation et de l’orientation, y compris au sein des ministères, d’étudier les avantages et inconvénients de changements envisagés dans les règles d’orientation, renforçant encore l’intelligence de la décision publique.
APB, un cas d’école
De manière plus générale, Admission Post-Bac représente un cas d’école, à plusieurs titres.
L’ampleur du public concerné (chaque année plus que la totalité d’une classe d’âge, en comptant les réinscriptions) et l’importance de l’enjeu pour les intéressés (qui tendent toutefois à sous-estimer le rôle joué par les responsables de filières sélectives) imposent à l’Etat des exigences sur ce système mettant en jeu des algorithmes : il doit opérer sur des bases transparentes et compréhensibles par tous, et rendre des comptes à ceux qui sont concernés par ces traitements.
L’ouverture du système (code et données) est, plus qu’une obligation légale, une façon de répondre à ces exigences, mais elle n’est pas réalisable sans effort de la part de l’administration, notamment s’agissant d’un système hérité, qui n’a pas été initialement conçu pour être ouvert. Elle n’exonère pas non plus le Ministère de son effort d’explication des finalités poursuivies par le système et des choix politiques qui le sous-tendent.
Des cas similaires ne manqueront pas de se présenter à l’avenir, et ces situations devraient, autant que possible, être anticipées. Il faudra notamment doter les administrations d’une culture de l’ouverture (open data, open source) et des compétences associées. Par ailleurs, les futurs systèmes d’information devront, dès leur conception, intégrer cette dimension d’ouverture et de redevabilité. Enfin, il conviendra de faire converger l’approche juridique, qui historiquement fait des textes et des réglementations la base de l’action publique, et le code informatique qui prend aujourd’hui une part de plus en plus importante dans la mise en oeuvre de l’action publique (en appliquant du principe selon lequel le code fait loi – code is law).
La mission confiée à Etalab autour d’APB est une illustration concrète de l’ensemble des dimensions sur lesquelles nous travaillons désormais : ouverture des données, des codes sources et plus largement de l’action publique (open data / open source / open gov). APB constitue par ailleurs un premier cas concret d’application des nouvelles dispositions de la loi pour une République numérique (intégration des codes sources dans la liste des documents communicables, principe de transparence des algorithmes).
Cette mission démontre aussi qu’avec la transformation numérique et face aux défis posés par la multiplication des traitements algorithmiques dans la conduite de l’action publique, l’approche pluridisciplinaire – au coeur de l’action d’Etalab – alliant droit, informatique et culture de l’ouverture, est plus que jamais nécessaire.
Ces travaux permettront également de produire un guide pratique à destination des administrations autour de l’ouverture des logiciels et des codes sources.
En plus du hackathon annoncé ci-dessus, Etalab animera une journée d’étude ainsi qu’une session autour du cas APB lors du Festival Futur en Seine le 9 juin prochain (programme détaillé à venir).
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