Le Comité directeur du PGO s’est réuni le 5 et 6 décembre à Washington, sous la co-présidence du Canada et de Nathaniel Heller, Directeur de l’ONG américaine Results for Development. Ces deux jours ont permis de réfléchir au rôle du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) sur des sujets tels que l’état des démocraties dans le monde, les problématiques de l’inclusivité dans le gouvernement ouvert, la question de l’éthique dans le développement et l’utilisation des algorithmes et de l’intelligence artificielle et sur la transparence des registres des bénéficiaires effectifs pour la lutte contre la corruption. Les nouveaux co-présidents du Partenariat ont présenté leur stratégie, et l’organisation du prochain sommet qui aura lieu à Ottawa en mai 2019. Le Comité directeur a aussi fait un point sur l’activité du Partenariat en 2018, sur les objectifs pour 2019, et sur les procédures de mise en observation de certains pays membres du PGO.
Sur les 22 membres du Comité directeur du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), 11 représentants d’associations et 11 représentants de pays, quelques-uns n’ont pu être présents : le conseiller sur la réforme de la Justice du Ministère de la justice du Nigeria n’a pas pu effectuer le déplacement; le représentant du Mexique, s’est fait remplacer par le directeur du Social controler unit du Ministère de la fonction publique, M. Jesus Robles Malool, et uniquement pendant la dernière partie du Comité directeur ; et la Roumanie était représentée par un membre de son Ambassade à Washington, et non par le point de contact du PGO.
Du côté de la société civile, Delia Ferreira de Transparency International s’est excusée de ne pouvoir se libérer et Aiden Eyakuze, directeur exécutif de l’ONG tanzanienne, Twaweza, a participé par téléphone à certaine session, ne pouvant pas quitter son pays faute d’avoir récupéré son passeport toujours détenu par les autorités de Tanzanie.
Le Comité directeur a d’ailleurs commencé par la validation d’une déclaration qui condamne les mesures d’intimidations mises en œuvre par le gouvernement tanzanien contre Aiden Eyakuze.
Les démocraties dans le monde : point de situation
La parole a ensuite été donnée à Tom Carohters, vice-président senior du « Carnegie Endowment for International Peace », qui a présenté une partie de ses travaux sur l’état de la démocratie dans le monde.
D’après Tom Carohters, en termes de démocratie, le monde peut être divisé en trois types de pays : (1) une centaine de pays est passée d’autoritaire à « mieux », mais ces pays semblent aujourd’hui stagner. Ils sont souvent caractérisés par des partis politiques impopulaires et qui n’ont pas été renouvelés depuis longtemps; un système judiciaire préoccupant qui est une source de pouvoir pour les partis politiques ; des transformations économiques lentes, qui génèrent des inégalités et qui sont captives d’intérêts spécifiques ; et enfin, une société civile active, engagée mais épuisée et mécontente. (2) La 2e catégorie comprend une cinquantaine de pays, ce sont les « démocraties établies » qui vivent pour beaucoup une période difficile avec une croissance économique faible et la polarisation des conflits autour de la question d’identité nationale, les questions de migrations avec une opposition entre un monde ouvert et un monde fermé (3) enfin, il y a environ un cinquantaine de pays sous des régimes autoritaires, et cette catégorie n’a pas augmenté. La nouveauté est que certains de ces pays gagnent en confiance, en visibilité, et étendent leurs actions au-delà de leurs frontières en jouant un rôle d’influenceur sur d’autres pays du globe.
Selon Tom Carothers, une caractéristique dans tous les pays est que la colère publique due aux affaires de corruption a été la plus grande cause de changement de gouvernement.
Les pays occidentaux ne diminuent pas leur soutien financier vis-à-vis des pays en développement ; cependant ce soutien se transforme. Même les États-Unis restent un des plus importants bailleurs de fonds pour soutenir des projets liés au renforcement de la démocratie. Malgré cela les États-Unis ne sont plus le leader mondial sur les sujets de démocratie, et il y a une place à prendre, pour le moment, il n’y a pas de leader. Le sujet du soutien à la démocratie peut être assez vague, et c’est souvent plus un sujet de diplomates. Cependant, la force du PGO est d’avoir mis des mots et des actions plus concrètes sur l’objectif de renforcer la démocratie : promouvoir la transparence, la redevabilité et la participation citoyenne, ce sont des notions plus concrètes.
En réponse à Tom Carohters, Sanjay Pradhan a souligné que le PGO avait un rôle de leadership à jouer sur ces sujets, et pouvait promouvoir des coalitions de leaders mondiaux pour promouvoir les valeurs et principes du gouvernement ouvert et définir des normes fondées sur la transparence, la redevabilité et la participation citoyenne.
La stratégie des co-présidents, le Canada et Nathaniel Heller et l’organisation du Sommet mondial 2019
Nathaniel Heller, Directeur exécutif de Results for development, et le Canada, représenté par Francis Bilodeau, Secrétaire général adjoint pour les services numérique et Mélanie Robert, Directrice exécutive de la gestion de l’information et du gouvernement ouvert, tous deux sous le Conseil du Trésor canadien, ont présenté leur stratégie pour l’année à venir, centrée sur
- Inclusion : déployer des efforts menant à des gouvernements plus équitables et inclusifs qui en font plus pour l’ensemble de leurs citoyens.
- Participation : augmenter la confiance envers le gouvernement au moyen d’une participation accrue et importante des citoyens à la prise de décisions.
- Impact: démontrer les répercussions positives d’un gouvernement ouvert sur le quotidien des citoyens.
Le Sommet organisé à Ottawa le 29 et 30 mai 2019 reflétera ces priorités. Suite à une discussion du Comité directeur, trois thèmes principaux ont aussi été retenus pour le Sommet : la diversité du genre, avec notamment le lancement de l’initiative « Feminist Open Government » ; les risques et opportunités de la technologie pour le gouvernement ouvert ; et le renforcement de la lutte contre les restrictions imposées à l’action de la société civile.
La France reprend le rôle de co-président du sous-comité thématique leadership et pousse notamment le Partenariat à se positionner sur le sujet de la transparence et la redevabilité des algorithmes publics.
La France, devant l’absence d’un successeur volontaire pour reprendre le rôle de co-président du sous-comité Thematic leadership a accepté de garder le poste jusqu’à ce qu’un autre pays se déclare volontaire.
Zuzana Wienk, Directrice de l’ONG Slovaque Fair Play Alliance, et co-présidente « société civile » du sous-comité Thematic leadership a présenté les derniers partenariats que le PGO avait noué avec des organisations telles que Transparency International, World Vision International.
Une discussion en petit groupe a ensuite au lieu sur trois thèmes qui avait été demandés par le Comité directeur : le registre des bénéficiaires effectifs, le rôle des femmes dans le gouvernement ouvert et les risques de la technologie pour la démocratie
L’échange sur « les risques de la technologie pour le gouvernement ouvert », animé par Etalab, a permis de structurer le thème autour de quatre grandes catégories, qui pourront évoluer : « protection de la vie privée » (gestion des données personnelles, surveillance…) ; l’éthique dans les algorithmes et l’intelligence artificielle publics (redevabilié, transparence, auditabilité…) ; les droits de l’homme en ligne et la cyberdémocratie (désinformation, « fake news », manipulation des élections…) ; les opportunités des technologies pour la démocratie (civic tech, consultation en ligne…) .
Sachant que ces sujets sont déjà discutés dans de nombreux partenariats et instances internationaux, il a été convenu de ne se concentrer que sur les sujets sur lesquels : des membres du Partenariat avaient une expertise ; les valeurs de transparence, de redevabilité et de participation citoyenne étaient au cœur des problématiques.
Ainsi, le sujet de la transparence et redevabilité des algorithmes publics et de l’intelligence artificielle utilisée par l’État est ressorti comme étant un sujet sur lequel le partenariat avait une vraie valeur ajoutée. Les travaux menés par Etalab ont été présentés et il a été convenu de monter un groupe de travail et d’en présenter les avancements lors du Sommet PGO à Ottawa en mai 2019.
Retour sur les résultats phares du Partenariat pour un gouvernement ouvert en 2018 :
Le rapport d’activités du Secrétariat permanent du PGO en 2018 :
Le Secrétariat permanent (SP) du PGO a souligné travailler prioritairement avec les nouveaux pays membres, tel que l’Équateur, avoir accompagné les pays qui avaient des difficultés pour l’élaboration de leur Plan d’action, et avoir pris contact avec tous les pays qui vivaient des changements de gouvernement, des élections, afin d’anticiper ces changements et d’en faire une force plutôt qu’un obstacle à la mise en œuvre des engagements des Plans d’action.
Les activés du SP peuvent se résumer en quelques chiffres :
- 59 Plans d’action sont attendus pour 2018
- Le Secrétariat permanent du PGO a visité plus de 50, ont rencontré plus de 150 ministres, 15 chefs d’Etat ou de gouvernement, 12 leaders de collectivités territoriales
- 9 projets vont être financés par le Fonds Multi Bailleur du PGO
- 86 rapports du mécanisme d’évaluation indépendant ont été publiés
- environ 50% des recommandations faites par le mécanisme d’évaluation indépendant sur le Plans d’action 2014-2016 ont été incorporées dans les Plans d’action 2016-2018
- 14% des engagements pris par les pays sont estimés comme ayant un potentiel de transformation important
- 54% des engagements sont mis en oeuvre dans leur totalité
- 7% (185) sont des engagements « phares »
- Il y a encore un effort à faire de la part des pays sur l’organisation de Forums Multi-acteurs
- La réforme du mécanisme d’évaluation du PGO avance bien
Pour plus d’information – voir les minutes et document de préparation du Comité directeur de Washington
Le Secrétariat permanent a publié plusieurs rapports en 2018 dont « OGP Participation and Co-creation toolkit », « When More is More: Toward Higher Impact OGP Commitments » et « Star Reforms in OGP », rapport sur les engagements les plus ambitieux et impactant qui ont été pris par différents pays. Le cas de la France est cité pour son engagement sur la transparence de la commande publique : Cartographie des réformes phares du PGO
Le SP est aussi revenu sur les évènements de l’année : le Sommet régional du PGO en Asie Pacifique qui a accueilli 600 participants à Séoul, le séminaire régional du Programme d’appui au gouvernement ouvert aux pays francophones, organisé par Expertise France et CFi, la Semaine du Gouvernement ouvert à laquelle 49 pays ont participé, le Forum de Paris sur la Paix et le Sommet mondial du PGO en Géorgie
Le Trust Fund du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert :
Le PGO est en train de finaliser un accord avec les agences de développement suédoises, SIDA, et anglaises, DFID, ce qui permettrait, en plus de la participation de l’Agence française de développement, d’arriver à un montant total de 12 millions de dollars pour 3 ans.
Le Conseil d’administration du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert :
Le Président du Conseil d’administration du PGO, Mark Robinson, est devenu directeur général de l’EITI. Il est donc nécessaire de le remplacer et de faire rentrer une personne de plus dans le Conseil d’Administration.
Le programme des collectivités territoriales au sein du PGO, point de situation et suite :
Aujourd’hui, 20 collectivités territoriales font parti du PGO, dont la Ville de Paris. Le Secrétariat permanent (SP) propose d’en inclure 10 nouvelles, sélectionnées par un processus clair et transparent. Afin d’ouvrir d’avantage le PGO aux collectivités territoriales, le SP propose de compléter cette sélection par le lancement du programme OGPx/Franchise, qui permettrait à n’importe quelle collectivité territoriale de s’inscrire dans la dynamique du gouvernement ouvert, sans pour autant avoir accès aux « services » proposés par le SP aux membres du programme : accompagnement à la co-création du plan d’action, soutien pour la mise en œuvre des engagements, soutien spécifique sur certaine thématique etc. Cette proposition a entrainé beaucoup de questions sur l’intérêt d’avoir un programme à deux vitesses. Certes, il est important de pouvoir « garantir » que les collectivités territoriales respectent les valeurs du PGO pour pouvoir se déclarer membre, et il est difficile voire impossible de vérifier cela pour les 4000 collectivités qui pourraient devenir membre. Cependant, le programme de services spécifiques dédié aux 30 collectivités territoriales membres mobilise beaucoup de ressources pour un nombre restreint, ces ressources ne pourraient-elle pas être utilisées plus efficacement pour un nombre plus large d’acteur ? Il a donc été décidé que le SP mènerait une série d’entretien avant de revenir avec plus de propositions pour validation par le Comité directeur.
Les révisions des articles de gouvernance :
Le Partenariat pour un gouvernement ouvert a beaucoup grandi depuis sa création en 2011. Il est donc nécessaire de faire évoluter les articles de gouvernance. Le SP a proposé un certain nombre d’évolutions qui doit être adopté par le Comité directeur par retour de mail avant le 15 décembre, puis qui seront soumis à une consultation ouverte à tous les membres du PGO avant d’être validés début 2019.
Pour les articles qui concernent le mécanisme d’évaluation indépendant et l’organisation des Sommets, ces articles seront revus en détail en 2019. Le Sous-comité Critères et standards travaillera dessus et feront des propositions détaillées au Comité directeur en 2019.
Evolution spécifique sur les critères de sélection pour devenir membre du Partenariat :
16 pays pourraient prétendre à l’éligibilité mais ne sont pas évalués dans l’étude « Varieties of Democracy » qui est utilisée par le PGO pour évaluer certains indicateurs sur la liberté de la société civile. Si ces pays expriment un jour la volonté de rejoindre le PGO, le Comité directeur propose de mettre en place un processus particulier qui consisterait à rechercher d’autres sources de données et si besoin à envoyer une équipe sur place pour faire l’évaluation. Il sera cependant nécessaire d’être très transparent sur la méthodologie utilisée.
Révision du mécanisme de réponse rapide et résolution pour les pays placés sous observation
https://www.opengovpartnership.org/about/rapid-response-mechanism
En septembre 2018, le Comité directeur du PGO avait adopté un mécanisme de réponse rapide afin de pouvoir soutenir certaines organisations de la société civile qui donneraient l’alerte sur le comportement de leur gouvernement par rapport à la Déclaration du gouvernement ouvert signée par tous les membres.
Ce mécanisme a été sollicité deux fois depuis septembre. Suivant les processus validés par le Comité directeur, le Canada s’est impliqué pour suivre le cas du Guatemala, et l’Argentine pour répondre à un appel d’associations géorgiennes. Cependant, dans les deux cas, il s’est avéré extrêmement compliqué pour le Canada et l’Argentine de mettre en œuvre ce processus, qui demande une réponse rapide et objective à des questions diplomatiques sensibles, ce que ne peuvent pas faire des directions qui ne sont pas responsables des relations internationales. Ainsi, ce mécanisme, qui est le seul levier de la société civile pour faire en sorte que leur pays respecte les principes de la Déclaration du gouvernement ouvert, doit être largement revu.
Les résolutions vis-à-vis des pays placés sous observation par le PGO :
Résolution sur la participation de la Bosnie-Herzégovine au PGO
Selon les règles du PGO, la Bosnie Herzégovine a été placée sous observation pour n’avoir pas publié de plan d’action depuis 2014. Cependant, depuis mai 2018, des progrès très significatifs ont été observés. Un comité PGO (« OGP Council ») qui rassemble les 4 niveaux de gouvernement (Etat central, les deux entités, le district de Brcko) et 4 organisations de la société civile, dont Transparency international a été mis en place en juin 2018, afin de préparer un plan d’action pour la Bosnie-Herzégovine. Il est prévu que ce plan d’action, qui rassemble les 4 plans d’actions des 4 niveaux de gouvernement concernés, soit validé par les différentes autorités concernées dans les semaines qui viennent.
Le Comité directeur a validé la mise en « inactivité » du la Bosnie-Herzégovine, tout en saluant les efforts qui ont été fait, en soulignant que les membres du PGO se tenaient prêts à accompagner la Bosnie-Herzégovine sur sa demande, et en précisant que le pays retrouverait son statut de membre actif dès que le Plan d’action national serait publié.
Résolution sur la participation de Trinité et Tobago au PGO
Trinité-et-Tobago a rejoint le PGO en 2012 et a publié son premier plan d’action en 2014. Depuis, Trinité et Tobago n’a suivi aucune des procédures et recommandations du PGO sur lévalutio nde son plan d’action, l’organisation d’un Forum multi acteur et la publication de d’autres plan d’action. Trinité et Tobago a cependant envoyé une lettre la veille du Comité directeur du PGO pour souligner sa volonté de rester membre du Partenariat.
Ainsi, le Comité directeur a validé la mise en « inactivité » du pays en précisant que le pays retrouverait son statut de membre actif dès que son Plan d’action national serait publié.
Résolution sur la participation de l’Azerbaïdjan au PGO
Le Comité directeur du PGO a reconnu les annonces positives faites par l’Azerbaïdjan, notamment le nouvelle plateforme pour l’enregistrement simplifié des associations. Cependant, l’Azerbaïdjan n’a pas répondu aux principaux problèmes soulevés par la société civile dans la lettre adressée au PGO en 2015 et n’a pas mis en œuvre la majorité des recommandations faites par le Comité directeur notamment sur la restriction des financements des ONG par des fonds étrangers, ce qui a considérablement affaibli la société civile azerbaïdjanaise.
Le Comité directeur a voté que l’Azerbaïdjan resterait en statut de membre inactif du Partenariat pour encore 2 ans, sous la condition de mettre en œuvre cinq recommandations (voir résolution).
Le cas du Mexique
Suite à une lettre des ONG mexicaines qui composaient le Comité de pilotage du PGO au Mexique, dénonçant les écoutes mises en place par le gouvernement, le Comité directeur avait lancé une procédure de « réponse » : https://www.opengovpartnership.org/ogp-response-policy/response-policy-case-mexico
Le Mexique a été représenté au Comité directeur du PGO par Monsieur Jesus Robles Malool, Directeur du « Social controler unit » du Ministère de la Fonction publique, qui a assuré que le gouvernement mexicaine était décidé à fermer le processus de surveillance des organisations de la société civile et qu’ils allaient mettre en place un dispositif de dialogue et de rapprochement avec les associations pour rétablir des liens de confiance.
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