Le projet « Signaux Faibles » permet, grâce à un outil de data science et d’intelligence artificielle, de détecter les entreprises fragilisées afin de mieux les accompagner.
Initié en 2014 à une échelle très locale, son déploiement national a été entériné ce 3 avril 2019 grâce à la signature d’une convention par les partenaires historiques du projet.
Il devient ainsi la pierre angulaire d’une politique publique nationale fondée sur les données.
50 à 60 000 entreprises sont chaque année en situation de défaillance : elles étaient 54 000 en 2018 selon la Banque de France. Comment mieux anticiper ces fragilités pour intervenir plus en amont, éviter les liquidations autant que possible et mieux diriger l’action de soutien de l’Etat ?
C’est l’objectif du projet « Signaux Faibles », initié localement et développé depuis 4 ans. Sa généralisation, officialisée le 3 avril, est le récit de :
- La possibilité de bâtir en 4 ans une politique publique fondée sur les données qui améliore l’action de l’État sur un sujet aussi majeur pour l’économie ;
- La complémentarité de l’open data, de l’échange de données entre administrations et de l’exploitation des données à l’aide de la data science ;
- La capacité de la direction interministérielle du numérique et du système d’information de l’État (DINSIC) à accompagner un projet tout au long de son développement – de l’intuition d’un expert métier au lancement d’un service national – en articulant plusieurs dispositifs d’innovation complémentaires (open data camp, EIG, start-ups d’État) et en alliant des compétences diverses (datascientists, développeurs, designers…) ;
- L’importance de partir d’un besoin éprouvé sur le terrain et de miser sur les agents publics tout au long du processus.
1. De l’exploration des données ouvertes à la circulation des données entre administrations
Le projet Signaux Faibles naît en octobre 2014, à Mâcon, lors d’un « Territoire Camp » co-organisé par Etalab. Cet « open data camp », inspiré des hackathons, a pour objectif de promouvoir l’open data, en identifiant des projets issus du terrain et qui réutilisent des données ouvertes. A cette occasion, un agent statisticien de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de Bourgogne-Franche-Comté présente une idée : identifier les données utiles pour capter les « signaux faibles » envoyés par les entreprises fragilisées et développer un algorithme prédictif permettant d’intervenir bien en amont pour mieux les accompagner.
Outre les données en open data et celles dont dispose la DIRECCTE, il apparaît rapidement que l’information la plus utile réside dans des données détenues par plusieurs autres administrations : des données financières, qui apportent de la visibilité sur les tendances à long terme d’une entreprise, des données sur l’emploi, qui permettent d’identifier les baisses d’activité ponctuelles, ou encore des données sur les cotisations sociales, qui alertent sur les tensions de trésorerie. Il faut également des compétences en datascience pour comprendre les données et proposer un premier algorithme.
2. Prototyper et faire croître grâce aux dispositifs d’innovation publique
Au sein de l’État, plusieurs dispositifs d’innovation permettent de lancer et d’accompagner des projets numériques à fort potentiel d’impact. Le projet Signaux Faibles touche à la performance économique des entreprises françaises et présente un potentiel d’impact fort. Il commence donc par devenir une start-up d’État : le projet a 6 mois pour développer une solution en mode agile et tester sa pertinence. Etalab, qui dispose d’une petite équipe de data scientists, mobilise un de ses membres pour coder un premier algorithme en quelques mois. Ses résultats permettent de valider l’hypothèse selon laquelle les méthodes de machine learning sont pertinentes.
Le prototype ayant fait ses preuves, Signaux Faibles intègre le programme Entrepreneurs d’Intérêt Général en 2018, grâce auquel un data scientist et un développeur à temps plein sont recrutés pour une période de 10 mois. A ce stade, le projet s’appuie sur une convention régionale de partage de données signée entre la DIRECCTE et l’URSSAF. Pour aller plus loin, l’équipe s’adresse à la Banque de France pour obtenir des données financières précieuses. Cette phase essentielle permet de mettre autour de la table différents acteurs pour obtenir toutes les données nécessaires. Elles permettent ainsi d’entraîner des algorithmes de machine learning et d’aboutir à des résultats probants.
L’outil a été testé au cours de l’année 2018. Bilan : 63 entreprises détectées, 48 entreprises contactées par les services de la DIRECCTE Bourgogne Franche Comté et 83% d’entre elles accompagnées à ce jour.
3. Généraliser un dispositif de politique publique
Le succès de l’outil Signaux Faibles crée de l’engouement. La demande est forte du côté des DIRECCTE d’autres régions et encourage les acteurs engagés à étendre le dispositif à l’échelle nationale. La signature d’une convention de déploiement entre la Banque de France, la Direction générale des entreprises (DGE), le ministère du Travail, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la DINSIC rend ce passage à l’échelle possible.
Par ailleurs, l’équipe améliore l’outil en général, et non plus seulement les algorithmes, en prévoyant l’intégration de données sur les entreprises issues de la base SIRENE et de l’API Entreprise.
Enfin, le projet a fait l’objet d’une semaine de « design intensif » avec les écoles Boulle et ENS-Cachan. Cette expérience, organisée par la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) avait pour objectif d’intégrer une réflexion design sur la relation entre l’outil développé et ses utilisateurs (les DIRECCTE) et ses bénéficiaires finaux (les entreprises fragilisées). Le déploiement à l’échelle nationale de l’outil sera une occasion de mettre en œuvre certaines des idées proposées.
La généralisation de Signaux Faibles et l’engagement de 5 administrations partenaires marque le succès de ce projet né il y a 4 ans.
Issu du terrain, il vise à améliorer l’efficacité d’une politique publique et a, dès sa conception, mobilisé l’état de l’art des méthodes (agilité, ouverture, utilisation des données), des compétences et des technos du numérique (datasciences, IA).
La complémentarité des dispositifs d’innovation publique a permis de l’accompagner du prototype au service public national. Bravo à tous ceux et celles qui y ont contribué !
Pour en savoir plus sur le projet Signaux Faibles :
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