Les premiers enseignements de l’opération CoDesign

18 mois après son ouverture, la plateforme data.gouv.fr a accueilli plus d’un million de visiteurs uniques, qui ont consulté plus de 5 millions de pages, et téléchargé plus de 500.000 fichiers.

Plusieurs centaines de correspondants open data dans les administrations, de nombreux échanges avec d’autres administrations productrices de données, des centaines d’entreprises utilisant ces données publiques, parmi lesquelles 15 lauréats Dataconnexions, des citoyens désireux d’exercer leurs responsabilités, des collectifs associatifs… Tous forment aujourd’hui un écosystème riche et diversifié, représenté, dans sa diversité, par le Réseau d’experts Etalab, qui s’est emparé de l’open data et nourrit la mission de ses retours d’expérience, de ses conseils, suggestions, et parfois de ses
revendications.

Le paysage technique et industriel a également évolué, avec près d’une centaine de pays engagés dans cette démarche, les progrès dans le design d’API, l’émergence de nouvelles briques technologiques et de frameworks, le développement de nouveaux enjeux industriels et de premières tentatives de prise de positions de force dans ce marché naissant.

Il est déjà temps de concevoir la deuxième génération de la plateforme.

Cette conception suppose une nouvelle vision de la place et du rôle d’Etalab et de data.gouv.fr dans l’écosystème des données publiques. Elle impose donc probablement de nouveaux choix fonctionnels et technologiques. Elle appelle donc préalablement la réponse à des questions essentielles sur l’identité profonde d’une plateforme nationale de données publiques : réservée à l’information d’autorité ou ouverte aux données des citoyens ? Réservée aux données brutes ou acceptant de retravailler les données ? Outil limité à la diffusion de données ou outil d’aide à l’innovation ?

 

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Forte des relations étroites avec ses communautés, qui avaient déjà été étroitement associées à la conception de la première génération de la plateforme, Etalab n’a pas souhaité aborder seule ces questions, et a donc engagé, en avril dernier, la démarche de « CoDesign » : un intense travail de dialogue et de collaboration avec son écosystème, consistant à la fois à adresser un questionnaire, à organiser des moments d’échanges, d‘expérimentation et de réflexion, et à susciter le développement d’un prototype innovant par des étudiants d’Hetic.

Cette démarche a suscité de belles réactions : plus de 60 réponses écrites au questionnaire, dont 19 ont souhaité la publicité ;  9 séances de Codesign à ce jour et autant de moments de rencontre et de créativité ; un prototype riche de nouvelles intuitions et porteur de nombreuses espérances.

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Il est temps de partager avec vous, soutiens de l’open data, et contributeurs de CoDesign, les premiers enseignements que nous tirons de l’expérience. Premières réactions à chaud qui ne nous dispensent pas de proposer une synthèse beaucoup plus fouillée après l’été.

 

1 — Etalab peut compter sur un riche écosystème

Administrations, producteurs de données, associations, citoyens, entreprises grandes et petites, se sont mobilisés pour répondre à notre proposition de conception collective. C’est cette mobilisation qui a fait le succès de la démarche. Elle montre que l’open data ne concerne pas seulement les données, mais que l’outil de diffusion de ces données est aussi un bien commun auquel vous êtes attachés, et que nous pouvons compter sur vous pour le défendre et l’enrichir.

2 — Data.gouv.fr concerne tous les publics

L’un des aspects les plus surprenants de l’open data est sa progression rapide dans des sphères non technologiques. Associations, économie sociale et solidaire, journalistes, citoyens… se sont emparés de ce projet pour le mettre au service de leurs propres objectifs. Sans rien perdre de ses fonctionnalités professionnelles, une plateforme d’open data doit apprendre à parler, à faire sens et à se rendre utile pour l’ensemble de ces publics.

3 — Prolonger CoDesign

Chaque rencontre CoDesign nous a rendus plus intelligents et plus motivés. De nombreuses communautés ont montré leur envie de se mobiliser autour de leur plateforme nationale. Des questions importantes (comme le traitement géographique de l’information) n’ont pas encore été abordées. Nous poursuivrons ces rencontres et ces échanges après l’été. Ils nous sont nécessaires.

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4— S’organiser pour l’innovation
continue

En 18 mois, le paysage de l’open data, l’efficacité des technologies de traitement de la donnée, et la maturité de l’écosystème ont considérablement évolué. Dans les 18 mois à venir, cette évolution va se poursuivre et peut-être même s’amplifier. Nul n’est en situation, aujourd’hui, de définir définitivement la meilleure plateforme. Data.gouv.fr doit être l’interface d’un processus d’innovation continue.

5 — Une plus forte intégration dans les communautés technologiques

Un projet d’open data est un projet technologique. Une structure comme Etalab doit coder elle-même et participer en direct au développement des technologies de l’open data.

Pour pouvoir participer à une communauté vibrante et créative, il a été décidé d’intégrer plus étroitement l’équipe technique dans Etalab et de développer la prochaine version de la plateforme sur un noyau open source. Nous sommes partis, depuis quelques semaines, sur un noyau CKAN.

Au delà de ces décisions génériques, le projet CoDesign, qui n’est pas encore achevé, nous a déjà permis d’arrêter quelques principes structurants…

Simplifier la relation avec les producteurs

La relation avec les producteurs de données est clé : il est impératif de simplifier au maximum le travail des administrations qui coopèrent régulièrement avec la plateforme, et d’autoriser de nouveaux producteurs, y compris moins professionnels, à déposer également leurs données. Les contraintes d’authentification des producteurs ou de la donnée étant grandes, pour une plateforme nationale, il va falloir innover de manière radicale dans les processus même de transmission des données. Outre l’utilisation des API, lorsque cela sera nécessaire, la plateforme d’open data doit accepter de réaliser une plus large fraction du travail jusqu’ici dévolu aux producteurs des données.

Conformément aux pratiques usuelles sur Internet, nous rechercherons un principe de confiance : ouverture la plus large possible, et contrôle ex-post. Ceci devrait nous conduiure à tolérer sur la plateforme la coexistence d’informations certifiées et d’informations non encore certifiées.

Contester les grands dogmes de l’open data

Le mouvement open data, tout jeune qu’il soit, est déjà traversé de grands dogmes : il s’agirait de diffuser des données brutes, dans l’état où elles sont produites par l’administration, il ne faudrait pas essayer d’interpréter ces données, l’indexation serait une question centrale… Ajoutés aux règles imposées à l’informatique d’Etat, ces principes finissent par former un carcan qui contraint l’innovation. Nous connaissons bien ces principes, et nous les respecterons peut-être, mais aucun d’entre eux ne doit être accepté comme argent comptant : une plateforme d’open data peut peut-être avoir des fonctions de conversion de formats de fichiers, elle peut peut-être fusionner des fichiers pour former des séries temporelles continues, elle doit peut-être accepter de partager l’indexation des fichiers avec les réutilisateurs…

En particulier, il semble important que la plateforme soit conçue dès le début comme un instrument au service de l’amélioration des données, et il semble que cette seule fonction puisse être une incitation puissante au partage de nouvelles séries passionnantes.

 Data.gouv.fr : service public de l’open data

Bien entendu, de nombreux contributeurs attendent de l’Etat une information d’autorité. Mais nombre d’entre vous souhaitent aussi pouvoir contribuer à cet effort. Tout en identifiant très clairement les informations qui proviennent de l’Etat et sont garanties par les administrations, il semble que la plateforme data.gouv.fr se doive de pouvoir accueillir par ailleurs des données, des tags, des data-visualisations, des annonces d’événements, etc. provenant des utilisateurs eux-mêmes. Différents statuts et degrés de certification des informations, peuvent dès lors être imaginés, qui devront être parfaitement lisibles.

 Data.gouv.fr : noeud central dans un écosystème sans centre

Data.gouv.fr ne doit pas seulement diffuser de la donnée, il doit la mettre en circulation, et en favoriser la réutilisation. La diffusion simultanée des données dans plusieurs portails, une certaine dose de suivi des réutilisations (même si ce suivi n’est pas impératif), la possibilité d’accueillir des versions retravaillées des fichiers initialement diffusés par l’Etat et de rendre crédit aux producteurs et réutilisateurs partenaires l’ayant enrichie d’une information ou d’un service sont des fonctions essentielles de cette plateforme.

De nouvelles fonctions à imaginer

Enfin, de point de vue de l’expérience utilisateur, CoDesign nous a convaincu d’assigner trois objectifs extrêmement importants à la plateforme :

  • faciliter l’identification de données utiles et l’obtention d’un résultat de requêtes : cette ambition simple à formuler
    exigera probablement un important travail sur les données elles-mêmes, et de nouvelles stratégies de recherche dans les fichiers ;
  • accueillir plus de contributions : indexations, visualisations, voire données elles-mêmes ;
  • être un outil d’aide à l’innovation en diffusant aussi des outils, des ressources technologiques, des exemples mais aussi en favorisant l’imagination, les échanges, les rencontres et la sérendipité.

 Telles sont les premières conclusions qu nous tirons d’ores et déjà du process de CoDesign. Ni les échanges, ni les dépouillements ne sont achevés. Et comme le processus nous a convaincus d’adopter une démarche de lean development, nous aurons, dans les semaines et les mois qui viennent, de nombreuses occasions de d’ajouter de nouvelles fonctionnalités ou de nouvelles suggesiotns au noyau qui est déjà en cours de développement.

La petite équipe qui développera cette nouvelle version est déjà à pied d’oeuvre, et elle est déjà pénétrée de ces premières conclusions.

Merci donc à tous de toute cette énergie investie sur notre bien commun. Nous espérons que cela ne s’arrêtera pas à CoDesign. Et nous espérons pouvoir vous montrer des résultats concrets dans quelques mois…