Le 24 avril 2019, la direction générale des finances publiques a mis en ligne des données sur les transactions immobilières, sous la forme de fichiers réutilisables au format texte (.txt). Pour que les données de Bercy puissent être visualisées sur une carte sans qu’il soit nécessaire de les télécharger, ou de les manipuler, nous avons développé app.dvf.etalab.gouv.fr, une petite application web.
Le site app.dvf.etalab.gouv.fr a été mis en ligne le 24 avril, soit le même jour que les données sur les demandes de valeurs foncières (DVF) rendues publiques par Bercy. La suite ? Contre toute attente, notre application web a reçu plus d’un million de visites en moins de deux semaines. À la fois surpris et satisfaits par ce succès, nous souhaitons aujourd’hui revenir sur les semaines qui viennent de s’écouler, pour vous parler de la genèse du projet et de la suite que nous pensons donner à app.dvf.etalab.gouv.fr.
La genèse du projet
L’ouverture de la base Demandes de Valeurs Foncières (DVF), annoncée depuis plusieurs mois, a fait l’objet d’un décret publié le 28 décembre 2018. C’est la base de données elle-même qui a concentré notre attention ces derniers mois, les données brutes. Et pour cause, Etalab administre data.gouv.fr, la plateforme ouverte des données publiques de l’État et des administrations. Nous avons donc pour habitude d’exploiter et publier des bases de données.
Passer des données brutes à leur visualisation sur une carte
Comme la base DVF est conséquente — elle pèse plusieurs centaines de Mo et tend à faire planter Excel — nous avons estimé qu’elle ne pourrait pas être manipulée par un large public. Or, les données qu’elle contient concernent un public large. Nous avons donc décidé de développer, en peu de temps et avec peu de personnes, une application web pour permettre de visualiser les données DVF sur une carte. De cette manière, nous espérions toucher un public plus large que la communauté de l’open data. Et cette application, c’est app.dvf.etalab.gouv.fr.
L’organisation de notre équipe
Au sein d’Etalab, nous disposons de compétences en data-science, développement, système d’information géographique (SIG), et gestion de projet. L’équipe qui travaille sur geo.data.gouv.fr développe notamment des API qui permettent d’obtenir les contours des communes, mais aussi le cadastre vectorisé et à jour, autant d’éléments qui ont été utiles pour créer app.dvf.etalab.gouv.fr.
Les technologies utilisées
En matière de technologies, nous avons opté pour du JavaScript (notamment Vue.js) pour le front-end, avec un back-end Python, et un stockage dans une base de données PostgreSQL. Dans la mesure du possible, nous avons rendu notre code public, en le publiant sur Github sous une licence Apache. Après moins d’un mois de développement — correspondant au travail d’une personne — nous avions un produit qui, sans être parfait, était présentable et tenait la route.
La mise en ligne et le hackathon de lancement
Le hackathon du 24 avril, qui s’est tenu à Bercy, lors de la journée consacrée à l’ouverture de la base DVF, fut l’occasion d’échanger des idées avec un public plus large : entrepreneurs, spécialistes de l’aménagement du territoire, de l’immobilier, des administrations, membres de la société civile, ou du secteur privé.
Le petit groupe de travail constitué autour le l’app DVF a décidé qu’il pouvait être utile d’ajouter un bouton « Votre avis nous intéresse », en haut à droite de l’application, menant à un court questionnaire anonyme de satisfaction. Par ce canal, nous avons recueilli environ 1 800 avis d’utilisateurs variés — avis que nous ne pouvons pas publier car certaines personnes y ont laissé des données personnelles. D’autres propositions ont été faites, par exemple la possibilité de signaler une erreur dans les données affichées. Cependant nous ne sommes pas le producteur de la base DVF et nous avons eu peur de brouiller davantage les pistes en ajoutant cette fonction à notre application.
Puis la couverture presse — LCI, Le Figaro, Le Monde, Ouest-France, entre autres — a amené un public plus large sur l’application ; un public venu chercher des informations sur ses propres transactions, dans le cadre d’un projet immobilier, ou simplement curieux des prix pratiqués dans certains quartiers. Et les avis d’utilisateurs se sont multipliés, nous amenant à apporter encore de nombreuses modifications à l’application.
Ce que nous avons appris
Les visualisations touchent plus de monde que les données brutes
Alors que app.dvf.etalab.gouv.fr a été développé comme un complément à la base des demandes de valeurs foncières, l’application a vite attiré plus de visiteurs que les données DVF elles-mêmes — publiées quant à elles sur data.gouv.fr. Le site qui devait introduire les données brutes s’y est donc rapidement substitué. Parallèlement, ce qui n’était qu’une petite application développée en peu de temps et avec peu de moyens au sein d’Etalab, a souvent été présenté dans la presse comme le produit principal de cette opération.
Bien configurer un serveur n’est jamais une mauvaise idée
Il est possible de gérer un afflux conséquent de visiteurs sans se ruiner. Nous avons ainsi pu accueillir plus de 180 000 personnes sur l’application lors de la seule journée du vendredi 4 mai, sur un serveur relativement modeste, et en limitant les rejets grâce à des choix technologiques prudents. Si les configurations NGINX vous intéressent, Antoine Augusti, membre d’Etalab, a commenté le sujet en détails sur son blog.
Documenter n’est pas une perte de temps
Pour donner un peu de contexte aux visiteurs, et répondre aux questions qui revenaient souvent à nos oreilles, nous avons mis en ligne une FAQ (Foire Aux Questions) quelques heures après la publication de l’application. Hélas, notre FAQ n’a été lue que par une petite proportion de visiteurs… sans doute parce que nous ne l’avions pas appelée « FAQ » mais « À propos ». La page en question a pourtant été enrichie à plusieurs reprises et à mesure que des questions se révélaient récurrentes.
Recueillir des avis permet d’améliorer l’expérience utilisateur
En plus des problèmes de compatibilité de l’application avec certains navigateurs, la mise en place du questionnaire « Votre avis nous intéresse » nous a permis d’identifier d’autres problèmes : nous nous sommes ainsi rendu compte que plusieurs utilisateurs ne comprenaient pas vraiment comment marchait l’application.
Comme l’interface n’invitait pas explicitement les utilisateurs à cliquer sur la carte pour agrandir les zones visualisées, certaines personnes restaient bloquées devant la carte de l’hexagone, sans que rien ne se passe de leur côté. D’autres n’accèdaient pas au détail de chaque transaction, car l’interface ne les invitait pas à le faire là non plus. Nous en avons retenu que nous ne sommes pas nos utilisateurs et que rien ne remplace les avis de personnes venues de l’extérieur.
Rendre le code public le rend meilleur
Mettre le code d’une application en cours de développement sur GitHub, dans un dépôt public, revient à exposer un travail inachevé, encore loin d’être parfait. Mais la publication du code nous a aussi permis d’obtenir des avis très utiles. Plusieurs contributeurs externes ont ainsi fait des « pull requests » (sorte de contributions) dans le but d’améliorer l’application : par exemple pour corriger des bugs ou rendre plus élégant le code qui crée la base de données. D’autres contributeurs ont ouvert des issues (sorte de tickets techniques) pour nous signaler des problèmes, ou suggérer de nouvelles fonctionnalités. Nous n’avons certes pas attendu ce projet pour publier notre code sur GitHub, mais disons que cela conforte notre choix et nous encourage à poursuivre dans cette voie.
Les critiques font partie du jeu
Si nous avons reçu des félicitations, nous avons aussi reçu quelques critiques. Certaines critiques étaient constructives, d’autres l’étaient un peu moins. De notre côté, nous savions que notre application étaient loin d’être parfaite. Nous avons donc capitalisé sur les critiques utiles, celles qui nous tiraient vers le haut, sans nous attarder sur les autres.
La suite pour app.dvf.etalab.gouv.fr
Un million de visites plus tard, quelle suite donner à ce qui n’était au départ qu’un petit projet ? Une chose semble désormais sûre : alors que 70 000 visites sont encore enregistrées chaque jour sur le site, le moment de le fermer n’est pas encore venu.
Certes, le volume de visites va baisser inexorablement dans les mois qui viennent, mais nous tenons à continuer de proposer une façon simple de visualiser les données DVF, surtout pour les personnes qui ne peuvent pas mettre les mains dans les données brutes.
De nouvelles fonctionnalités à venir ?
Des fonctionnalités intéressantes ont été proposées, notamment la possibilité de retrouver les transactions effectuées autour d’une adresse postale donnée — ce qui n’est pas encore possible. Nous allons avant tout concentrer nos efforts sur la correction des bugs et la maintenance.
La maintenance justement, parlons-en : elle a été chiffrée à quelques jours par an, car nous avons automatisé le maximum de tâches. Il restera à récupérer les nouvelles données DVF à chaque fois que Bercy les mettra à jour, c’est-à-dire tous les 6 mois. Le cadastre et les couches géographiques sont déjà entretenus par Etalab, ce qui ne devrait donc pas occasionner de tâches supplémentaires.
Croiser les données DVF avec d’autres données
À plus long-terme, l’avenir nous dira si les données DVF peuvent être croisées avec d’autres données, par exemple les diagnostics de performance énergétique — dans les limites légales visant à empêcher la réidentification des acheteurs et vendeurs.